37^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
ainsi aux parents des nouveaux élèves, une fois pour toutes, les beautés de son Collège.
Comme les jeunes filles passaient le long de la grande cour ovale, où les élèves de toutes les classes étaient réu- nis, chacun de nous les dévisagea tout à son aise.
Nous étions une bande d'effrontés, de jeunes roués (entre seize et dix-neuf ans) qui mettions notre honneur à tout oser en fait d'indiscipline et d'insolence. Nous n'étions pas élevés à la française ; et du reste, nous Français, nous n'étions qu'une bien faible minorité dans le Collège ; à tel point, que la langue en usage entre élèves était l'espagnol. Le ton dominant de l'Institution était la dérision de toute sensiblerie et l'exaltation des plus rudes vertus. Bref, c'était un lieu où l'on entendait cent fois par jour, prononcés avec un accent héroïque, ces mots : " Nous autres Américains " .
Ceux qui disaient cela (Santos et les autres) formaient une élite dont tous les élèves exotiques (Orientaux, Per- sans, Siamois) étaient exclus, une élite dans laquelle, pourtant, nous Français étions admis, d'abord parce que nous étions chez nous, dans notre propre pays, et ensuite parce que, comme Nation, historiquement, nous valions presque la race au sang bleu, la Gent de Raison. C'est là un sentiment qui paraît perdu, aujourd'hui chez nous : on dirait que nous sommes des bâtards, qui évitons de parler de nos pères. Ces fils des armateurs de Montevideo, des marchands de guano du Callao, ou des fabricants de chapeaux de l'Equateur, se sentaient dans toute leur personne et à tous les instants de leur vie, les descendants des Conquistadors. Le respect qu'ils avaient pour le sang espagnol, — même lorsque ce sang était, comme chez la
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