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350 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

n'empêchait en aucune façon les bavardages ni les cancans.

Sans avoir exactement leurs jours de réception, ces dames se conviaient à des thés auxquels chacune apportait son " pannican " (gobelet en fer-blanc). Ces petites réunions fournissaient l'occasion d'aérer des toilettes qu'on sortait des malles de fer, bosselées par des années de cahotements. Les distractions ne manquaient point ; les tondeurs don- naient des concerts, même des bals dans le hangar. Personne ne remarquait l'odeur du suint ni le bêlement des moutons parqués ; l'accordéon faisait valser sur le plancher gras et l'étiquette n'allait pas jusqu'à interdire de fumer la pipe.

Parfois un bazar ambulant arrivait : en vingt minutes, le stock de cigarettes était vendu. La boutique sur roues était assiégée par les hommes aussi bien que par les femmes; on n'avait pas acheté de pipes depuis deux mois ; on n'avait pas tâté un yard de flanelle ou de calicot depuis si longtemps!

Un soir, une " compagnie de variétés " composée d'un homme aveugle et d'un gamin donnait une représentation en plein air. Le programme comprenait des morceaux de gramophones où Melba, Caruso alternaient avec des chansons plus américaines que comiques. Une lanterne magique faisait défiler la Reine Victoria, l'assassin Deeming et Chamberlain. Tout le monde assistait à la représentation, et comme l'argent monnayé était rare, on signait son nom sur une liste, en face de six pence ou d'un shilling, et la compagnie de variétés recevait trois ou quatre livres du manager qui avançait le montant de la souscription.

Les machines continuaient à ronfler, à grincer et à mordre les toisons blanches qui au fur et à mesure étaient pressées dans les balles, puis les balles numérotées et portant

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