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LA FONTAINE MORTELLE


Ariane, ma sœur, de quel amour blessée…


Toi qu’on a relevé d’un sinistre berceau,
Pour extrême linceul ayant vêtu cette eau
Qui, dans la profondeur de sa conque limpide,
Amasse une fontaine équivoque et perfide,
Par quelle sombre route aux obliques détours
Es-tu venu chercher, pour y combler ton cours,
Ces bords où la nature, en grâces épuisée,
Compose le séjour d’un terrestre Elysée ?
Avant que de remplir ton funeste dessein,
Accoudé sur la rampe ombreuse du bassin,
Tu laissas resplendir d’un éclat taciturne
L’étincelante horreur de la voûte nocturne,
Et longtemps déferler sur ta tête ces pins
Qui semblent recevoir des rivages marins
Une plainte évasive et toujours poursuivie.
Agitant à la fois l’univers et ta vie,
Tu scrutais cette aurore ou ta jeunesse en fleur
Inventait pour le prix d’une héroïque ardeur,