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NOTES 319

LES CONTES DU " MATIN ".

Dans cette chambre du quai Bourbon, avec le fauteuil d'osier et la table noire, mon cher ami Philippe, je me souviens qu'un soir tu m'as parlé de tes contes.

Tu fumes une pipe courbe. Ta main, du mouvement arrondi qui lui est habituel, a touché les verres de ton lorgnon. Ton front un instant se plisse, puis ton sourire apporte sur ton visage cette certitude attentive que nous te connaissions.

Tu m'as dit :

— C'est une tâche, chaque semaine, et qui ne m'est pas si pénible. On apprend beaucoup à faire des contes. On apprend à se résumer...

Je ne crois pas que ces contes soient le meilleur de ton œuvre. Tu ne le croyais pas non plus. Tu me l'as dit. Tu l'as écrit en des lettres intimes. Mais d'autres ne pensent pas ainsi. Et maintenant, nous aimons tout de toi, sans vouloir distinguer.

Tu te plus à considérer ces contes comme un exercice salutaire. Tu te préparais à dire avec plus de sagesse encore et d'attention la diversité des hommes. Tu ne voulais pas renoncer à cette confession de toi-même, qui était pour toi la raison d'écrire. Mais tu rêvais alors de confesser les autres davantage.

Au début, cela t'amusa. C'est une formule brève. Il n'est pas toujours possible d'y parler des hommes. On a tout juste le temps de dire ce qui leur arrive.

Cela t'amusa, parce que ta jeunesse avait été trop grosse de confessions importantes, et que tu n'avais pas eu le loisir de l'anecdote...

Lorsque le journal, qui avait pour collaborateur Charles- Louis Philippe, eut renoncé à ta " copie ", tu te sentis pour- tant comme soulagé. Tu ne fus plus celui qui doit écrire un conte chaque semaine.

C'était dans une rue passagère, au crépuscule. Des tram- ways électriques glissaient à côté de nous, comme des projec- tiles et tu m'as dit :

— J'éprouve une joie, que j'avais égarée, à me promener

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