NOTES 3 I I
de sa compréhension affectueuses, à composer l'un des romans les plus observés et les mieux construits qui soient.
Ce mot que je lui avais entendu dire et qu'il avait répété à propos de Fédor-Michaïlovitch Dostoïewsky: " Ce me semble la seule supériorité de l'écrivain de sentir les êtres et de les aimer tous", Charles-Louis Philippe ne l'a jamais mieux mis en pratique que dans ce livre des plus simples, des plus poi- gnants et des meilleurs. Jamais, plus qu'en aucun de ses récits, Charles- Louis Philippe n'aima davantage ses héros accablés, ses pauvres préférés dans la vie douloureuse. Tous les mots doux, caressants, enveloppants, tendres avec lesquels l'auteur parle du père Perdrix, de Jean Bousset, avec lesquels il décrit, d'un trait grêle, à la Raffaëlli (mais tout autre pourtant) le paysage de la petite ville et des vieilles maisons, sont des mots dolents, paisibles, berceurs, des mots d'un sentiment exquis et délicat. Charles- Louis Philippe ne savait pas écrire avec d'au- tres mots que ceux-là qui lui venaient du fond du cœur. Et dans ce livre, à côté du père Perdrix qui est pourtant le per- sonnage de prédilection de l'auteur, il y a une bien belle figure : c'est la mère Perdrix, cette mère Perdrix dont, à force de misère et de travail '* le caraco et la jupe s'imprégnèrent d'un ton jaune et d'on ne sait quoi qui flottait et la confondait sur les chemins avec l'air de l'automne. "
A la fin, à force d'aller, de venir, " en mère Perdrix qui traîne une couvée lasse ", il advint que la pauvre vieille mou- rut. Ce fut comme si le père Perdrix avait perdu la moitié de sa vie. Désormais il n'y eut plus qu'une ressource : c'est que Perdrix, rayé dans son pays du bureau de charité, partît à Paris avec Jean Bousset. Mais, ce Paris, c'est un si grand u cassement de tête " que le pauvre vieux forgeron ne put pas y résister et, de chagrin, se laissa, un jour, couler dans l'eau noire, au long du quai.
Ce livre, qui n'est que le récit de la vie et de la mort d'un pauvre vieux bonhomme des campagnes, atteint par l'âge et par la misère, est un de ceux où Philippe a mis le plus de lui- même, où il a le plus répandu, à toutes les pages, par dessus la vérité et l'observation, cette flamme sourde et douce de
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