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214 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mauvaises bêtes, ce sont les reptiles.) Il m'avouait que, vers la fin, ses vacances lui pesaient :

— Songez donc ! un mois entier à tuer par mes propres moyens ! c'est terrible à la longue... Vous, votre existence normale est ici, — je comprends que vous ignoriez l'ennui, — mais la mienne est là-bas...

Il aimait pourtant les paysages doux et familiers de la terre natale, " de cette terre bourbonnaise qui s'en va coteaux et vallons parmi des champs et des près de verdure ". Il aimait sa langue, qui n'est pas un patois, mais seulement un français plus ou moins incorrect, plus ou moins ècorchê, avec des intonations particulières, des locutions pittoresques, des mots savoureux.

Des locutions, Philippe en avait recueilli beaucoup. Qu'on se rappelle dans le Père Perdrix, la mère Bousset disant à son fils qui arrive en retard pour le repas :

— " Tu nés donc même pas capable de te renserrer. . . Ou encore les ouvriers prodigues s'excusant envers

eux-mêmes de ne pas savoir se priver :

— " Tè donc, on arrivera comme on pourra... "

Il avait fait un sort à bouchure qui est synonyme de haie ; il affectionnait tason qui se dit d'un homme lent, placide, rarement ému, jamais pressé ; il trouvait aussi pat ouille (boue) très expressif.

Et sa petite ville, cette petite ville " ou la médisance poussait comme un arbre et s étendait au-dessus des passants ", il l'avait trop pénétrée pour ne pas l'aimer — malgré ses tares.

Cependant, il se sentait là dans un monde tellement fermé à l'art et à la pensée qu'il souffrait en beaucoup. Souvent, il me parlait avec tristesse de l'indifférence,

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