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— Voilà que j’ai deux filles, maintenant.

— Je voudrais lui ressembler, dit Berthe Méténier, et Philippe répondit :

— Vous êtes encore plus belle puisque vous respirez.

En sortant du restaurant, on enveloppa de nouveau Santa Fortunata dans un journal, et Philippe la porta sous son bras gauche. Il donnait l’autre bras à Berthe Méténier, et toute la soirée on rôda par les rues sombres pour ne pas rencontrer Bubu. De temps en temps, on s’arrêtait sous un bec de gaz, on entr’ouvrait le journal pour regarder encore Santa Fortunata.

— Je n’ai jamais rien vu d’aussi pur, disait Philippe. Et il refermait le papier pour le rouvrir un peu plus loin.

Vers minuit, on entra dans une gare. Philippe fit monter Berthe Méténier dans un train prêt à partir. Il l’installa plein d’attention au milieu d’oreillers et de couvertures. Et quand le train fut parti son visage prit une expression ferme et sereine que ses amis ne lui avaient jamais vue.


En ce temps-là, il aimait déjà Marie Donadieu. Il l’aimait d’un amour entier et plein de force. Il la menait le soir sur les boulevards, parce qu’elle aimait le bruit et la lumière des cafés. Il la tenait très serrée contre lui.

Elle marchait les bras raides et les poings fermés.

Il venait souvent parler d’elle à une couturière qu’il aimait comme une sœur, et qui était du même pays que lui. Il disait :

— Elle est plus blonde que toutes les blondes, et ses yeux sont plus bleus que tous les yeux bleus.

Quelques fois elle venait avec lui. Il la faisait asseoir