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ENFANCE ET JEUNESSE I93

Tolstoï, dont il accrochait le portrait à côté de celui de Dostoïewsky, un peu au-dessous. Mais " le Guerre et la Paix " lui plaisait bien plus que " Résurrection ". Il ne réprouvait en aucune manière la violence, quand il la jugeait nécessaire et juste. Ce qui fait illusion, c'est qu'il avait, comme Tolstoï, un âme religieuse. Il faut s'enten- dre : Philippe, depuis le catéchisme, n'était plus catholi- que. Il avait, à l'égard des prêtres et des dogmes, la méfiance des paysans de chez nous, et il n'entrait jamais dans les chapelles. Mais il y avait place dans son cœur, pour plus d'une vertu évangélique. Il avait, à sa manière, la haine du siècle, il aimait les pauvres qui souffrent et qui pleurent, il eût volontiers consolé les affligés, soigné les malades, visité les prisonniers, et accompli toutes les œuvres de la miséricorde. Il y a dans son œuvre d'admi- rables sermons sans dogme : une prière pour le bon usage des maladies, 1 un éloge de la pauvreté : " Je suis plus heureux qu'eux, mon Dieu. Plus qu'eux je suis près de vous, et dans les feuilles et dans le ciel je vous vois, et dans la Seine je vous entends. . . Être pauvre, c'est se rapprocher de vous. Etre pauvre, c'est être bon. Je vous remerci, mon Dieu " \

La Pauvreté était pour Philippe comme une sœur, auprès de laquelle on vit une humble et douce vie, embellie de labeurs et de sourires. Sa charité finit par embrasser tous les êtres et toutes les choses du monde ; il parle familièrement aux platanes du quai, à la blanche pommade dont on oint sa joue malade, à la vieille église de son village : " Vous avez de gros murs, des piliers, une

2 V Enclos, Etre malade, mars 1898. 1 V Enclos, Être pauvre, février 1898.

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