Page:NRF 3.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

ENFANCE ET JEUNESSE I 85

leur homme et lui laissent encore du loisir. Il fit des démarches, frappa aux portes, attendit. Pas une âme ne se soucia de lui. Il a fait de ses tentatives et de ses déceptions un récit incomparable ; laissons-le parler :

" Il est vrai que je suis bachelier et que l'instruction mène à tout. Mon père a de la crainte, lui qui sait que les fils d'ouvriers participent à la vie ouvrière. De plus, si cela se passait ainsi que je l'espère, cela serait trop beau. Il en cause avec ma mère. Ma mère verrait bien les choses comme je les vois, mais elle a de l'inquiétude parce qu'en fin de compte on ne sait pas. " *

Philippe était plein de confiance. Il commença par conduire sa mère, un beau soir d'août, chez M. Gaultier. C'est ainsi qu'il appelle le châtelain millionnaire de son village, gros bourgeois plein de cordialité et de principes républicains, ami de tous les préfets, candidat probable à la députation et grand fabricant de facteurs et de canton- niers. M. Gaultier donna de l'espoir et promit ses ser- vices. Dans deux ou trois mois, le petit Philippe serait " casé ", tout comme les cantonniers et les facteurs. Philippe attendit un mois, deux mois, trois mois. " Alors le Temps passa... Nous attendions l'avenir au lendemain de chaque jour. Parfois le facteur s'avance, une lettre à la main, alors notre cœur s'élance vers lui, nos mains se tendent et sont des mains qui prennent et gardent un trésor. Nous fûmes toujours déçus... D'autres fois le domestique de M. Gaultier était en ville avec sa grande voiture. Alors nous ne nous écartions pas trop de notre maison, parce que M. Gaultier aurait pu dire : " Il vaut mieux que j'envoie mon domestique les prévenir. De

1 La Mère et l'Enfant, p. 142.

�� �