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184 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Arno Holz élaborait sa Révolution de la Poésie et dénon- çait la rime et la mesure comme de vieilles rengaines d'orgue de Barbarie, il bannissait du vers toute musique extérieure, et pensait qu'il n'y avait pour chaque sujet qu'un seul rythme possible, il créait un " vers libre " allemand vraiment libre, différent de celui de Goethe et de Heine, car il ne s'agissait plus de compter des syllabes ou des accents toniques, mais de marquer des accents d'émotion. Il y a entre les théories de Holz et les recher- ches de Philippe une étroite parenté. Philippe ne suivit pas le mouvement qui entraînait au vers libre les meilleurs poètes de sa génération ; * mais il se fit à son usage une prose frémissante et rythmée qui suit tous les mouvements de son cœur. C'est la prose de " La bonne Madeleine " et de " la Mère et F Enfant " : il est plus facile d'en dénon- cer les imperfections que d'en définir la nouveauté et la beauté 2 .

L'époque de cette crise littéraire fut celle des plus grandes souffrances de Philippe. Il eut à subir, comme le héros de Villiers de l'Isle-Adam, la torture par l'espérance. Il pensait que son diplôme de bachelier et ses trois années de mathématiques spéciales allaient lui ouvrir toutes les avenues de la vie, et qu'il n'aurait qu'à choisir parmi les métiers aimables qui nourrissent proprement

1 Comme on pouvait s'y attendre, il accueillit avec une sympathie fraternelle et un enthousiasme sincère les tentatives des " vers- libristes " radicaux : les poèmes d'André Gide {Nourritures terres- tres) et plus récemment ceux de Valéry Larbaud, d'André Spire, de Jules Romains.

» Voir l'article de M. Stuart Merrill, Mercure de France, 15 Jan- vier 1910.

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