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dans ses causeries journalières, dans ses jugements impromptus et dans ses actes spontanés, me pardonneront de souligner les traits qu’un peu de recul laisse mieux découvrir ; — avant tout ce besoin de réflexion, cette assiduité, cette méditation patiente, ce souci d’unité intérieure qu’il souhaitait d’imposer à sa vie et à son art. S’il s’est défendu de souhaiter la culture, c’est qu’il entendait sous ce mot ce qu’il désigne de moins essentiel : l’étude des œuvres anciennes, la connaissance des théories. « Je ne crois pas, — dit-il en des termes qu’Eugène Montfort a raison de citer — je ne crois pas qu’il soit nécessaire à un écrivain d’avoir une culture. Je le vois comme un sauvage, comme un barbare. Il faut qu’il ait le goût du sauvage. » Au grand bourgeois Flaubert il reprochait de s’être trop enfermé, d’avoir trop pensé, trop lu, pas assez vécu, pas assez souffert. Philippe n’était pas de ces cultivés qui s’enferment parmi les livres, ou vont des livres à la vie et ne voient la vie qu’à travers les idées ; mais il était encore bien moins de ces incultes qui pour écrire se fient à leur génie, comme pour vivre à leur instinct. Sans perdre jamais le contact du réel, il a tâché d’y voir toujours plus clair, et non pas tant de s’instruire que de se développer sans cesse. La vue de ses manuscrits nous montre combien le labeur littéraire comportait pour lui de problèmes, de retouches, de lents progrès. Ses lettres prouvent qu’il lisait peu, mais lisait bien ;