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Encore, cette misère authentique, y a-t-il plusieurs façons de la prendre. On peut se résigner en chrétien, et se relever de l’humiliation par la croyance en une vaste égalité spirituelle. On peut, avec les anarchistes, proclamer bonne la violence qui s’empare du pain ou même du plaisir. On peut aimer, avec Rousseau, la pauvreté comme l’état normal de l’homme, comme un état qui serait beau s’il y avait moins de riches pour l’enlaidir. On peut encore, associant la patience à la révolte, travailler ferme avec l’espoir « qu’avoir à gagner leur pain quotidien sauvera les hommes ».

Ces inspirations diverses, on les trouverait toutes chez Philippe, le jour où l’on réunirait tout ce qu’il a écrit sur la pauvreté. Pourtant c’est l’accent de révolte qui se fait entendre le plus fort. « Toujours — a dit franchement Flaubert — toujours les pauvres détesteront les riches ». Philippe en sait bien le motif : « Ceux qui souffrent ont besoin d’avoir raison ». Et leurs raisons ne doivent pas rester muettes : « Si les pauvres ne faisaient pas tant de bruit, les riches ne s’apercevraient même pas qu’il y a des pauvres ». Philippe ne supporte pas qu’on voile les responsabilités. Il ne prend pas les pauvres pour les saints : « J’ai compris, moi qui voulais être un homme du peuple, que le peuple aime trop les plaisirs mauvais ». Mais le peuple n’est pas l’auteur de son destin, ni de ses vices ; voyez plutôt comment se forme un Bubu :