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NOTES 135

Debussy. Ne l'achète-t-il pas au prix d'infériorités ? S'il montre tant d'habileté à brouiller les contours et à fixer surtout la couleur d'ensemble des grands mélanges, n'est-ce pas qu'il lui manque cette cristalline netteté qui fait l'orchestre de Debussy, même dans ses complexités les plus formidables, toujours aussi distinct, aussi séparé intérieurement, aussi discret ? Je me rappelle dans la Mer certains écroulements de vagues dont le fracas n'empêchait pas de tinter la chute délicate de chaque goutte.

Ravel mérite le nom d' impressionniste avec toutes les vertus et tous les défauts qu'il comporte. Il est parmi le bruit qu'il entend, et il en note avec subtilité la saveur propre. Mais il ne sait pas se détacher ; il ignore le secret d'oublier pour mieux retrouver ; le besoin de l'inscription immédiate lui interdit de composer d'ensemble son œuvre. Il consent à ce qu'elle ne soit que rhapsodie.

Debussy est mieux qu'un impressionniste; il est temps qu'on s'en persuade.

J. R.

  1. #

SUR LA MORT DE L'AVIATEUR DELAGRANGE.

Entre toutes les vertus le courage a ce privilège terrible qu'il ne trouve sa parfaite preuve que dans la mort. Je pense à Léon Delagrange qui vient de périr dans une chute d'aéroplane. Dans les landes de la Croix d'Hins, près de Bordeaux, au milieu de l'immense solitude, parmi cet air qui retient de sa proche origine océanique des sursauts, des remous et de soudains effrénés glissements, il se tenait avec application, modelant l'attitude de son vol sur l'invisible et sans cesse variable fluidité de l'élément : il prenait appui sur les couches limpides qui ondulaient sous ses ailes comme un dos, il coulait parmi la transparence. Le marin contemple des yeux les vagues qui le menacent, il connaît la direction de leur assaut ; mais l'aviateur nage dans une clarté trop pure pour qu'il puisse apercevoir les gestes de son bouleversement. — De plus, l'aéroplane ne se soutient que par la résistance qu'offre l'air

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