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NOTES III

encore qu'elles ne se l'imaginaient, mais que derrière il n'y a rien.

Et puis, le succès permet toujours aux hommes de lettres de supporter très bien l'angoisse métaphysique, et Maeterlinck, grâce à ses admirateurs et à ses amis, était devenu un homme de lettres. Prisonnier de ses premiers livres, et de son premier public, il trouva l'art subtil d'accommoder les balbutiements effarés de Mélisande, le naturisme ingénu qui fait le fonds de sa sensibilité de flamand, et ce vague optimisme " humani- taire", ce socialisme esthétique et scientifard, qui règne aujour- d'hui parmi ceux que Nietzsche appelle " les philistins de la culture". Il est vrai qu'un peu de mysticisme arrange tout ; mais, tout de même, quel chef-d'œuvre de " littérature " : faire croire à M. H ornais qu'il appartient à l'élite, et à l'élite qu'elle peut se permettre les sentiments de M. Homais !

D'abord, la prose de Maeterlinck, sauce merveilleusement onctueuse, fît passer ce singulier ragoût intellectuel, que le grand public international, le public des liseurs de magazines et des institutrices polyglottes continue à prendre pour le chef- d'œuvre de la cuisine française. Mais dans L'Oiseau bleu> il n'y a plus de sauce. Le merveilleux rhéteur de La Sagesse et la Destinée a cru pouvoir dédaigner la rhétorique ; l'auteur mys- térieux et "suggestif ", comme on disait autrefois, s'est mis à parler avec simplicité. Hélas !...

On nous dit : " L'oiseau bleu ce n'est qu'un conte, une féerie, un divertissement. Défendrez-vous au poète de s'amuser dans le royaume de la Fantaisie avec l'ombre de Perrault, des frères Grimm et de Mme d'Aulnoy ? Il n'y a là qu'un gracieux rêve fait pour amuser les petits enfants. " A merveille, mais alors pourquoi cette naïveté sonne-t-elle si faux ? Que ce soit un défaut des cervelles françaises, ou formées à la française, que cette gêne où nous met l'illogisme dans l'absurde : le pain qui parle — pourquoi diable ne dit-il que des sottises ? — l'eau qui nous découvre sa belle âme, le lait qui fait de l'esprit, je le veux bien admettre. Mais qui ne sourira, s'il est cultivé, fût-il Français, Anglais, Allemand ou Russe, devant le complot des arbres et des bêtes de la Forêt qui veulent faire mourir

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