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UNE BELLE VUE 97

vigoureux semblait porter, j'embrassais pour la fixer à jamais dans ma mémoire lia belle vue [sur la plaine opposée, sur le cours de la Sienne paresseuse, sur le coteau depuis les faubourgs de Charlemont jusqu'à l'observatoire de Mau- vent. Puis, remontant par " le vallon ", nous gagnâmes le potager, le verger, le chalet, toute cette partie supé- rieure du parc où Prosper et moi nous nous étions livrés à de si fougueux ébats. Mais, je ne m'émouvais guère actuellement au souvenir particulier de mon Prosper, et ce dernier se fût-il montré là-haut, j'eusse affronté sans crainte sa présence, car je me sentais fort au côté d'Hen- riette.

Nous revînmes devant la maison au moment du départ d'Octavie, laquelle, escortant les derniers bagages, s'éloi- gnait avec des sanglots à fendre l'âme. Soudain, nous la vîmes poser ses paniers et revenir éperdue sur ses pas. Elle courut à la porte d'entrée, et décrochant le thermo- mètre-baromètre où mon père vérifiait à chacune de ses sorties la température et les probabilités du temps :

— Ah ! madame, s'écria-t-elle. Et dire que nous allions leur laisser cet instrument-là que ce pauvre mon- sieur aimait tant !

Et personne n'eut la moindre envie de sourire.

Ce fut bientôt notre tour de battre en retraite. Madame Tourneur et Henriette, que leur breack attendait sur le chemin de Saint-Clair, tinrent à nous mettre en voiture. Nous descendîmes de conserve la rampe, jonchée de feuilles rousses qui grésillaient sous nos pas, puis l'escalier monu- mental dont la double révolution encadrait une rocaille toute ruisselante des pleurs de l'eau. Nous franchîmes la grille. Sur le quai maman et madame Tourneur s'embras-

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