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CAUET I 5 I

d'oiseau de nuit, le fit se retourner, et comme par la mèche d'un fouet, en plein visage, il fut atteint par cette réflexion de Gerfaut : — Vous perdez votre temps, sergent ; voyez-vous, quand on s'est mis dans la tête de se faire réformer...

D'un geste, Voiriou l'interrompit. Il ne lui reconnais- sait pas le droit, encore moins la capacité d'avoir une opinion. Il marcha sur Cauët, l'arracha du rang, comme un piquet, le planta près de lui, au milieu du cercle, et d'une voix rauque et serrée, qui se heurtait à un clapet au fond de la gorge :

— Soldat Cauët, je vous ordonne de prendre la posi- tion !

Un souffle courut tout à coup sur la mandragore. Comme si elle avait été touchée dans la sensitivité de ses racines, elle contracta ses nerfs et ses muscles ligneux, et se mit à frissonner de toute la sécheresse de ses vertèbres. On eût pu croire, après une pulsation aussi profonde, qu'elle allait s'ébranler : elle trembla seulement.

— Vous êtes malade ! — demanda Voiriou. — C'est ce matin à l'appel, qu'il fallait vous faire porter malade.

L'impression la plus bouflfonne du soupçon déforma sur sa face le rictus de la colère. De toute sa hauteur, il surplomba Chtiot Jules, le prit à la base, le parcourut, le sonda dans toutes ses jointures, s'arrêta aux mains, aux genoux, comme s'il avait trouvé le fil, le ressort secret, le déclic du mécanisme, interrogea dans la poitrine le soufflet des poumons, et le branle afîolé du cœur, comme un tocsin ; puis ramassa son regard, et le porta en haut, sur la face, comme on démasque tout à coup une lanterne sourde.

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