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LA CULTURE DU SOUVENIR I25

que morale et intellectuelle : " toute la dignité de l'homme est en la mémoire " dirait-il volontiers. Nos heures de vie intense, " nos jours de force, d'ardeur, de plénitude ", et ces instants " points culminants de la vie " qui nous ont donné la possession et la jouissance temporaires de nous-mêmes, le souvenir peut seul nous les rendre. Par lui, nous nous appartenons : " les endroits obscurs " de la vie s'éclairent, les mystères du cœur se décou- vrent... Quand on dispose ainsi de soi, on a toute sa " valeur ; si minime qu'elle soit, elle vous grandit " démesurément ; on est contemporain de toutes les " époques de sa vie ; on est, dans la plus haute acception " du mot " \

La nature même n'est plus alors qu'une source de vie intérieure, par ce qu'elle suscite d'émotions, éveille d'images, évoque de souvenirs, atteste de secrètes réalités et de mystérieuses richesses morales. Un délicat réseau de correspondances s'établit entre les sensations présentes et passées, donnant à celui qui les discerne la certitude, à ses yeux la plus précieuse de toutes, qu'il est bien lui-même, et que son âme n'a pas cessé de vivre, ni de s'appartenir. Mais ce retour profond sur soi-même en face de la nature, conséquence des souvenirs anciens, donne une puissance extraordinaire aux impressions actuelles, une plénitude admirable aux souvenirs futurs. Ouvrons au hasard un volume de Fromentin, le Sahara, par exemple, et relisons un de ses paysages, l'arrivée au désert. Suivons la notation scrupuleuse du peintre ; imaginons

  • ' le bleu de cobalt pur du ciel sur le paysage stérile et

" enflammé, la plaine frappée de lumière, les rochers

  • Lettres de Jeunesse page 126.

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