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les élans et les arrêts de la passion bondissante. Ce sont là des vers libres, dont nous ne possédons point l’exact équivalent. Le vers français étant déterminé par la rime, les césures et le nombre des syllabes, le moindre écart implique une révolution, qu’un système bien arrêté pourra seul préserver du caprice absolu. Au contraire, la métrique allemande est fondée avant tout sur l’accent ; le vers libre l’assouplit donc sans la briser, et son emploi permet sans reniement le retour vers des formes moins hardies. Aussi bien, dès la même époque, à ses heures d’apaisement, pour écrire par exemple le Divin, ou les Bornes de l’Humanité, Goethe rejette encore la rime, mais revient presque à l’égalité des vers et des strophes.

Déjà ces courts poèmes portent légèrement le poids de la même réflexion morale qui plus tard, aggravée et condensée, fera la beauté sérieuse des Sentences en Vers, des poèmes sur Dieu et le Monde, enfin des Paroles Orphiques. Pourquoi Goethe a-t-il été le plus grand des poètes philosophes, le moins chargé de didactisme et de banalités oratoires, et presque le seul chez qui philosophie et poésie se pénètrent assez profondément pour qu’on ne les admire point tour à tour, mais ensemble et confondues ? C’est qu’elles n’ont point chez lui à se rejoindre, à s’entrelacer : elles naissent du même germe, aux mêmes profondeurs. Jamais il n’assume la tâche ingrate de colorer un thème abstrait, fait