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LE LYRISME DE GŒTHE 99

ainsi jusqu'à l'universel, l'émotion ne perd rien de son frémissement. Mais il n'en va pas de même chaque fois que le poète, en présence d'une situa- tion très complexe, erre, si peu que ce soit, dans la sélection des traits essentiels. Alors, dans la mesure même oii le sens littéral nous échappe, le symbole s'efface ou pâlit. C'est ce qu'a trop peu considéré Goethe, en publiant ses poèmes et sur- tout en les rassemblant selon le plan que toutes les éditions complètes ont respecté jusqu'ici : nul secours au lecteur mal informé ; rien de pareil à ces proses des Harmonies où Lamartine s'épanche si complaisamment ; bien plus, pas une note brève sur les événements ou les personnes. Plutôt qu'une pudeur sentimentale ou qu'une volonté d'oubli, démenties ailleurs par d'amples aveux, le vrai motif de ce silence est sans doute l'intention de laisser chaque poème se suffire et n'agir que par sa propre beauté. Les dates même, le plus souvent effacées, prêtent d'abord aux suppositions les plus fausses ; pour rétablir l'ordre chronolo- gique, il faut bouleverser un ordre artificiel, pédantesque par endroits, et qui n'a certes pas l'excuse de sacrifier la curiosité du lecteur à son plaisir. On dirait qu'en brouillant ainsi l'écheveau de sa production, Gœthe ait par avance compté sur le zèle que devaient mettre en effet au service de sa gloire plusieurs générations d'érudits. L'ingéniosité de leurs conjectures, la minutie de

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