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GEORGE MEREDITH 479

apportant au jeu le même intérêt passionné. Non, cette unité morale, c'est d'une sorte de génial parti pris qu'elle procède, ou si l'on veut d'une constante fidélité à soi-même, semblable à celle qui fait si grande à nos yeux la stature de tel philosophe ou de tel saint. Parti-pris, ai-je dit, mais non entêtement. Si, jusqu'au terme de sa carrière, Meredith poursuivit sans dévier la courbe qu'il avait commencé de tracer, c'est qu'aucun artiste jamais ne prit aussi tôt et aussi clairement conscience de ses aptitudes et de ses limites, de sa pente intime et, pour le dire en un mot, du genre de plaisir qu'il allait goûter à la vie. L'unité morale de Meredith résulte de l'identité de ses choix successifs et concordants. Du premier au dernier de ses romans, Meredith n'a point cessé de disposer, comme pour son propre regard, le tableau des héros et des événements qui étaient le mieux en mesure de représenter sa nature et l'homme secret qu'il portait en lui. Sa personnelle prédilection a seule été son guide. Ce qui contrarie son idéal ou ne le traduit pas, il le supprime simplement : qu'on songe plutôt à l'absence de sentiment d'horreur qu'on constate dans ses romans, si désespérées qu'en puissent être les péripéties. Tout ce qui ne s'adapte pas à sa préfé- rence, tout ce qui ne satisfait pas à son élection, lui est inutile, n'existe pas à ses yeux et ne saurait trouver place en son univers. Parmi la riche huma-

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