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548 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

PASTICHES GOTHIQUES.

On s'imagine trop aisément que le pastiche soit une inven- tion de notre moderne impuissance architecturale. Peut-être en effet n'en rencontrerait-on guère chez nous d'anciens exem- ples. Les frontons romains du temps de Napoléon I er ou les grotesques gothiques où se plaisait le romantisme sont repro- duits avec une trop naïve infidélité pour ne pas constituer des formes originales. Mais pour ce qui est de l'Angleterre, on trouvera de curieux documents dans l'étude que M. Joseph Aynard consacre à Oxford et Cambridge dans la série des "Villes d'art célèbres". N'est-il pas singulier qu'on ait conti- nué de construire des Collèges gothiques jusque dans le XVII e siècle, sans que la persistance d'un style suranné ait ici pour cause, comme il en est de la peinture byzantine au Mont Athos, l'ignorance de formes plus nouvelles. Ainsi les deux cours du Collège Saint John à Oxford présentent de pompeuses colonnades à l'italienne, tandis que la façade donnant sur les jardins et qui date de la même époque est une charmante construction de pur style Tudor. A la rigueur le sens de la tradition et de la continuité, si vif chez les Anglais, suffirait à rendre compte de cette anomalie, mais ne faut-il pas plutôt en chercher la raison dans un sentiment du confort, de l'intimité et de l'adaptation aux besoins ? Ne serait-il pas naturel qu'ayant inventé un style de la richesse du " perpendicular ", aussi propre à des édifices d'apparat qu'aux plus modestes manoirs de campagne, le peuple anglais y ait trouvé un cadre à sa mesure et qu'il l'ait longtemps préféré secrètement aux importations de la renaissance italienne ? Ce fait expliquerait que le gothique ait pu rester là-bas un style vivant, au point que, nous dit M. Aynard, des architectes contestèrent les comptes de construction de la chapelle de Wadham Collège, tant ils avaient de peine à admettre que ce monument, en apparence du XV e siècle, n'eût été terminé que vers 1610. Ajoutons que le " perpendicular ", avec son uniforme appareil d'arêtes parallèles, est à peu près dépourvu de fantaisie ornementale et qu'il pouvait, mieux que tout autre style, demeurer, sans trop se faner, en usage long-

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