Page:NRF 1909 6.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CAPTIVE DES BORROMEES 53 I

qu'hier vous avez surprise ; n'est-ce pas à moi que vous avez jeté ces lauriers-roses, quand vous passiez en barque sous ma fenêtre, ce soir où, craignant de voir la super- cherie découverte, Ascanio eut l'audace de porter la main sur vous. Et cette femme que vous avez failli poursuivre dans la galerie, le lendemain de votre arrivée, comme vous finissiez de déjeûner, c'était moi encore... — Mon cœur à ce moment se mit à battre avec violence. Mes yeux peu à peu s'étaient dessillés. Son discours enfin avait éclairé ce qui dans l'ordre des événements autant que dans l'attitude de la prétendue Délia m'avait parfois paru si singulier. Aux dernières paroles qu'elle me dit, la lumière brusquement se fît en mon esprit. Je tombai à ses genoux, comme ébloui. — Ah ! Madame, m'écriai-je, n'achevez pas... Non, je n'ai rien oublié... Cette jeune déesse qu'au premier matin de mon séjour, j'ai surpris les cheveux épars et toute blanche dans les eaux du lac, c'est vous aussi : mes yeux, mon coeur vous reconnaissent à la fois ; c'est ce souvenir qui m'a fait votre esclave devant même que j'eusse le bonheur de vous approcher. .. — Et comme transporté hors de moi-même, je la saisis dans mes bras. Le feu de ses joues se fit plus ardent. Elle ne répondit pas, mais mollement reposa son front contre mon épaule cependant que j'osais porter les lèvres sur une belle bouche entr'ouverte que l'on ne me refusa point: à quoi je connus que si mon cornard de cousin avait eu la première manche, je pouvais bien me flatter d'avoir 2;agné la seconde et la belle par surcroît.

André Ruyters.

�� �