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5^8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et résolu : — Ça, monsieur, fit-elle, vous aurais-je offensé sans le vouloir... En quoi ai-je mérité un tel traitement et quelle est cette mine que vous faites tout à coup de renier vos bienfaits ? N'est-ce pas à vous que je dois d'être ici, n'est-ce point dans votre bateau et sous la conduite même de vos hommes que j'ai pu fuir ce matin une rive exécrée ? Le ciel m'est témoin que j'eusse mis moins d'empressement à accepter vos services si j'avais prévu que vous dussiez si tôt vous reprocher de me les avoir offerts!... — Je ne l'écoutais plus. C'était à mon tour de me trouver interdit. Un instant je demeurai a quia, incapable d'une réponse à cause de la stupéfaction où venaient de me plonger ses dernières paroles. Ainsi, c'était cette dame inconnue qui, à l'aube, avait pris place dans la barque destinée à Délia. L'histoire n'en devenait pas plus claire pour cela, bien au contraire. — Mais alors, m'exclamai-je enfin avec effort, et comme malgré moi, mais alors, ou je n'y entends rien ou il y avait donc deux captives ?. . . — Ce fut au tour de la dame de froncer les sourcils; une ombre passa sur son visage et s'écartant de moi, elle alla s'asseoir sur une chaise près de la fenêtre : — Ah ! je comprends à présent, murmura-t-elle d'un ton de dépit, l'humeur que vous montrez et aussi que ce n'est pas moi que vous aviez dessein d'obliger... Ainsi que tous les autres, vous fûtes dupe des roueries d'Ascanio et si enfin j'échappe à ses fers, c'est le hasard avant vous qu'il faut que je remercie... — Déjà je l'avais rejointe. A la façon inattendue dont elle venait de mettre mon cousin en cause, j'avais soudain dressé l'oreille. Ah ! je songeais bien à m'esquiver maintenant !... Anxieux de débrouiller le mystère dont je pressentais qu'elle avait la

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