Page:NRF 1909 6.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CAPTIVE DES BORROMEES 521

patience, je m'occupai de rassembler et de mettre en ordre mon bagage. Je n'avais plus que faire désormais en cette demeure, et il me tardait de gagner l'endroit du rendez-vous où j'imaginais fort bien l'anxiété et les transes avec lesquelles la dame devait m'attendre. L'assu- rance que me donna Bridon que la barque n'était plus en vue me rendit quelque tranquillité : je me trouvai même en état de faire honneur à la collation qu'on venait de porter dans ma chambre et qui eût suffi à rassasier six hommes de mon appétit par la quantité de viandes, de pâtés, voire de compotes et de légumes qu'elle comportait. M'étant ainsi restauré, je donnai ordre de charger mon porte-manteau et m'acheminai allègrement vers l'escalier. Mais comme j'atteignais le palier, je me sentis soudain pétrifié d'étonnement à l'aspect de Délia, qui enveloppée dans un grand châle et une mantille sur la tête, errait de- ci de-là d'un air agité. Sans même songer à la saluer : — Comment, fis-je, vous êtes ici !... Il y a un moment l'on m'apprenait que la barque avait disparu et voici que je vous retrouve devant moi... Que s'est-il passé, au nom du Ciel, et quel contretemps détestable vous ramène en ces lieux dont je vous espérais éloignée pour toujours !... — Toute tremblante de ma brusquerie : — Mais je vous atten- dais, balbutia-t-elle. — Vous m'attendiez ! Ah, Madame, ne vous avais-je pas dit de gagner à l'aube l'embarcation qui vous attendait au pied des terrasses ?... En vérité, il y a dans tout ceci quelque chose qui passe mon entende- ment ! Mes hommes avaient mission de ne pas démarrer sans vous : que sont-ils devenus ?. . . — Et comprenant que faute de leur secours, tous mes calculs échouaient, je m'en fus courant comme un dératé afin de vérifier de mes

�� �