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512 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une réticence, la dame elle-même ne se vendît. Ascanio qui m'observait du coin de l'oeil parut enchanté de ma discrétion et, tout en me faisant asseoir, me réitéra le chagrin que lui causait ma détermination de m'éloigner dès le lendemain. Pour n'être pas en reste avec lui, je m'empressai de le payer en même monnaie et répliquai que toute la peine était pour moi. Afin de m'en donner du moins l'idée, Ascanio entreprit alors de me décrire les ressources diverses que l'île aurait offertes à ma curiosité si les devoirs de ma charge ne m'eussent contraint à un aussi prompt départ. Ainsi commencé, le repas se poursuivit le mieux du monde. La chair d'ailleurs était exquise, et le service ordonné d'une manière qui faisait voir que la main d'une femme y était mêlée d'ordinaire. Après que nous eûmes achevé, mon cousin me conduisit dans un coin de la terrasse et pour terminer la fête me régala d'un certain muscat généreux dont les vapeurs à ce point m'enchantèrent qu'il me fallut convenir que je me serais sans trop de peine accommodé de finir mes jours en cet endroit si Ascanio m'y eût voulu laisser seul, avec sa cave et sa maîtresse. Je pense même que de contentement et de bien-être je me serais proprement assoupi le nez dans ma cravate si le Comte n'y eût mis bon ordre. — Ah ça, s'écria-t-il, en sommes-nous là qu'il nous faille comme de vieilles femmes sommeiller après manger ?... Allons, debout et laissez-moi disposer à mon gré de ce dernier soir qu'il m'est donné de passer avec vous... — D'un pas mal assuré nous nous acheminâmes ensemble vers le parc. Le gros de la chaleur du jour était tombé ; il n'en demeurait sous les ombrages épais qu'une sorte de tiédeur agréable à respirer et une odeur délicate et nombreuse

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