LA CAPTIVE DES BORROMEES 509
main ! fit-il d'un air tout interdit. Ah ! vous me désolez : j'avais bien compté vous garder quelques jours encore, le temps de faire en sorte que vous n'emportiez point de ce logis un trop piètre souvenir. Vous n'avez même pas vu mon cabinet !... — ajouta-t-il d'un ton de désespoir si touchant que je le priai de m'y mener aussitôt. Sur quoi, me prenant par le bras, il me fit pénétrer dans le palais par un escalier dérobé qui donnait accès à ses apparte- ments privés. Au bout de ceux-ci et prenant vue sur le lac par six grandes fenêtres, s'ouvrait ce qu'il appelait son cabinet. Les trois pièces qui le composaient étaient d'un dénuement et d'une simplicité qui me frappèrent d'autant plus que le reste du château laissait voir une profusion de tentures, de glaces, de tableaux et d'objets précieux de toute sorte. Ici point de rideaux, pas un seul meuble, mais une grande table, longue d'une toise, toute encombrée de paperasses et de poussière, deux chaises de paille, et dans les coins, sur le parquet, aux murailles, la plus prodigieuse collection d'armes qui se pût imaginer. Epées, dagues, piques, stylets, sabres et poignards, empilés, étalés en ordre ou accrochés en panoplie, il y avait là, ma foi, de quoi équiper sur-le-champ une compagnie de bandoliers. — Peste ! fis-je en riant. Voilà un fameux arsenal ! Qui croirait que des lieux si enchanteurs recelassent une telle abondance d'instruments meurtriers !... — Mais au lieu d'entrer dans la plaisanterie, mon cousin hocha la tête avec une gravité singulière. — Mon cher chevalier, fit-il, la dernière fois que nous nous rencontrâmes, j'étais un homme encore ; je veux dire que j'avais tous mes mem- bres. Je faisais, pardieu, un assez franc soudard qui connaît le prix de la vie et ne se fait point faute d'y goûter tout
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