Page:NRF 1909 6.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE CLASSICISME ET M. MOREAS 5<OI

verse du monde, au vingtième siècle commençant, l'équilibre qu'il réalise serait celui-là même qu'il réalisait voilà trois cents ans, avant de connaître seulement Shakespeare, et dans la même forme, suivant les mêmes coupes, dans une langue qui n'aurait pas changé ?... Et il choisirait pour maître un Malherbe ? La chose est risible, tout simple- ment.

Si attachés que nous soyons au passé, au plus parfait passé de notre histoire littéraire, nous ne pouvons pas faire que ce qui est ne soit pas, que la sensibilité de nos yeux, de nos oreilles, de notre âme, de notre raison même, ne se soit pas modifiée, et l'art, même classique, est une manifestation de la sensibilité. Notre sensibilité, comme celle de nos ancêtres, cherche une règle à son usage ; et elle doit la trouver comme ils rirent, originale et neuve comme celle qu'ils trouvèrent, et réaliste

— c'est-à-dire conforme à l'état présent de cette sensibilité.

Et voilà pourquoi nous voulons une autre poétique et une autre rythmique, pourquoi nous ne désespérons pas de créer peut-être une tragé- die. Non pas " la tragédie" — une " nuée" aussi

— mais notre tragédie. Nous aurons notre clas- sicisme.

Ce classicisme n'acceptera pas, M. Clouard, vos formes toutes faites, aujourd'hui périmées : Racine, revenant chez nous, n'en voudrait plus. Jamais,

�� �