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482 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

son ouvrage et qui, débordant ses limites, affleure tout à coup et jaillit à la surface du style ? Ainsi, dans le poème et dans le roman, indifférent au genre, s'il se révèle imperturbablement égal à soi, c'est qu'en tout temps, il fut le serviteur du même maître. Meredith toujours écrit pour Meredith. Son art s'est dévoué à lui-même et jamais ne lui a servi qu'à produire de son coeur, de l'homme tel qu'il le voulait, de l'existence telle qu'il l'approuvait, l'expression la plus lyrique, la plus stylisée et la plus vivante à la fois. Il n'y a là ni culte de la " virtù " comme on veut nous faire croire que les gens de la Renaissance le conce- vaient, ni effort vers ce " surhomme " en quoi se résume, pour l'intelligence primaire des Paul Adam, tout l'enseignement de Nietzsche. Meredith fut bien moins un créateur qu'un ingénieux et splendide ordonnateur. Sa fortune considérable — j'entends sa fortune littéraire — lui permettait de vivre de ses rentes. Il n'avait pas à s'évertuer ou à se dépasser : il lui suffisait pour exister de choisir parmi ses ressources, et l'on ne saurait trouver plus péremptoire témoignage de l'utilité des richesses que le respect et l'admiration aux- quels nous oblige un écrivain qui ne dépensa rien que pour son agrément et considéra toujours que le seul objet de son génie devait être d'assurer sa personnelle et égoïste félicité.

André Ruyters.

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