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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nité anglaise, il n'a mis en œuvre que l'aristocratie, non qu'il fût de ces Paul Bourget que semble perpétuellement tourmenter la honte de leur roture, mais parce qu'il y rencontrait le personnel le plus physiquement entraîné par la sélection du sang et le naturel de l'élégance à apporter au drame sentimental ces raffinements et cette délicate complication qui sont l'aliment de son art et à partir de quoi seulement, il trouve matière à s'exprimer. Sans doute on rencontre chez lui maintes figures populaires, yeomen ou patriotes italiens, s'il les accepte, ce n'est toutefois qu'à la faveur de quelque héroïque nécessité qui les exalte au-dessus de leur condition et les met pour un temps au niveau des protagonistes qu'ils ne font que servir. Au surplus, Meredith n'aspirait pas à se faire l'historien d'une société, pas même de cette " nobility " qui fournit à la plupart de ses récits le fonds et le décor conformes aux besoins de son esthétique. Il ne fut pas peintre de mœurs : avant tout, l'individu l'attirait, le bel animal humain, aux membres sains, au cœur impatient, et non tant le caractère où la discipline enchaîne le naturel que le type à qui rien ne commande que sa force et son appétit. Par là s'explique son indifférence à l'égard de la moralité de ses créa- tures. Il se soucie peu que ses héros se réalisent dans le bien ou dans le mal. La colère, l'amour, la haine ou l'enthousiasme n'ont à ses yeux qu'une

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