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386 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

récipiendaire, pour le rejeter aussitôt et parler de la Lorraine, Maurice Barrés compare les héros de la Bohème où se com- plaît l'auteur de Miarka, au loup, l'éternel réfractaire, celui qui, chez La Fontaine, laisse au chien les os de poulet et s'en- fuit par peur du collier. Mais Barrés aussitôt d'ajouter : " Poète, grand poète et bon juge des rythmes, étes-vous sûr de vous connaître en loups ? La bête dont il s'agit là n'a rien à faire avec vos loupeurs et vos fainéants. La plupart des bohèmes que vous chantez déshonorent le loup en se récla- mant de lui. Ce sont de pauvres loups maigres qui se laissent mourir de faim ou qui deviennent enragés... Vous m'arrê- terez si je me trompe ", ajoutait-il avec un vraiment gratuit raffinement de cruauté.

La Route d'Emeraude n'incitera personne à tempérer ce jugement. Des loups : non, mais des chiens bruyants, qui, n'osant pas toujours aboyer aux passants, se rattrapent en jappant après les nuages. Pauvres réfractaires que ces peintres braillards qui ne sont inadaptés que de la gueule, par paresse et grossièreté. On ne leur demande ni pessimisme philoso- phique ni amertume de cœurs ulcérés. Qu'ils ne soient que ribauds ; qu'ils mangent et qu'ils paillardent, puisque l'auteur n'a rien mis en eux qui puisse nous intéresser — Mais, pour Dieu, qu'ils se taisent ! et qu'ils nous laissent écouter la plainte de ceux qui furent vraiment traqués par la vie et qu'un dur destin contraignit à mordre comme ils purent, non par mau- vaise humeur, mais parce que, comme le dit tristement Villon :

Nécessité faict gens mesprendre Et faim saillir le loup des boys,

J.S.

SUR BERNARD SHAW.

Dans la charmante revue qui a pour titre Le Divan, M. Jean Florence consacre un trop court article à la Méthode de Bernard Sfiaw. Citons-en au moins ces quelques aperçus :

" Son point de vue, si étrange qu'il paraisse, est simplement celui de l'homme d'Etat, Non pas certes celui du politicien,

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