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376 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

doit sa couleur particulière à " l'influence secrète " et douteuse de la saison, et que nul dessein préconçu ne préside à la composition du livre. Le Trèfle blanc que voici d'abord est daté de 1899 ; ces dix ans écoulés n'ont rien flétri de sa grâce charmante. A travers plus d'apprêt l'Amour et le Plaisir, puis Tiburce nous acheminent vers treize contes où s'affirme la maîtrise du poète, mais qui ne couronnent pas le volume sans l'alourdir un peu. Le talent dont chacun d'eux fait preuve reste comme indépendant du récit et, si habile que soit le choix des sujets de ces contes, l'art s'y applique et n'est pas motivé par eux. C'est à peine un reproche que je leur fais, et ce pourrait presque être un éloge, n'était le délicat Trèfle blanc dont le voisinage leur fait tort en nous présentant l'exemple d'une perfection à la fois plus secrète et plus accomplie. Ici le métier semble naître et grandir sous la pression d'une sorte d'intime exigence ; l'œuvre est écrite au bon moment ; un peu plus tôt on aurait pu sentir l'effort et un peu plus tard la manière ; il est à point.

Trois récits le composent : Jours heureux, les petits Messieurs de Nevres, la Côte Verte. Je m'attarde au premier récit. Quel est le secret de son charme ? — Un enfant est appelé à passer auprès de son grand-père mourant, quelques mois de sa septième année ; à cet âge tendre, chaque sensation fait événement ; par contre l'événement douloureux échappe à sa compréhension et n'atteint son cerveau qu'à travers les sen- sations qui fortuitement l'accompagnent ; celles-ci restent au premier plan ; elles relèguent à l'horizon indistinct le deuil de la famille ; c'est là-bas que le grand-père agonise ; c'est ici que joue l'enfant ; ses fragiles émois rasent le sol comme les hirondelles avant l'orage, dans cette atmosphère pesante où l'attente du deuil plonge toute la maison. Accompagnons-le dans le jardin de M™ de Néry :

" // y avait un Kiosque vitré plein de toiles d'araignées ; une grosse mouche y bourdonnait dans l'odeur moisie. Plus loin je rencontrai une fontaine. Je pompai. L' eau vint drtie, abondante, fraîche, cristalline, brisant son jet sur une pierre moussue creusée en rigole, et mouillant mes souliers dont elle criblait la poussière

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