en vous. Le grand évêque d’Hippone et M. de Rancé ne se sont pas réconciliés avec Dieu dans d’autres conjonctures que celles qui vous occupent. "
— " Hélas ! mon père, lui avouai-je alors, ce sont de grands exemples et un grand réconfort que ceux que vous m’offrez. Mais mon mal durera autant que ma vie et il n’est pas de pouvoir qui puisse m’arracher du souvenir qui m’oppresse. Dieu ne brillera jamais d’une foi assez vive dans mon cœur pour effacer l’image adorée que Manon imprima en moi avec son dernier souffle, "
Le front de M, l’abbé Prévost se rembrunit à ces mots d’un amant idolâtre ; je craignais de l’avoir blessé en plaçant Manon à côté de Dieu sur mes lèvres. Mais cet excellent homme avait trop de bonté ; il était trop bienveillant pour s’étonner de la fidélité d’une passion à qui le temps et la mort n’avaient rien ôté de sa puissance.
— "Il est vrai, chevalier, me dit-il avec une indulgence vraiment consolante, que votre infortune doit trouver un adoucissement à repenser à celle qui en est la cause. J’ai bien vu des filles et d’aussi tombées. Je n’en ai jamais rencontrées dont le sentiment fût plus sincère et les larmes plus vraies. Il y a une belle constance à aimer par delà la mort et vous le faites avec une fidélité dont tout le prix éclate à mes yeux." — " Monsieur l’abbé, répondis-je en comprimant à nouveau mon cœur, Manon était adorable; et sans les écarts d’une fortune si changeante, elle eût été une bonne épouse et une mère heureuse. Ah ! que mon père, au lieu de la frapper de ses rigueurs, n’a-t-il voulu l’accueillir comme sa fille ? Elle et lui ne seraient pas morts d’éloignement et de douleur ! "
Je vis à ce moment que M. l’abbé Prévost témoignait