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SUITE AU RECIT ... 339

que j'avais fait, à ce bon prêtre, quelques années aupara- vant, au débarquer du Havre, la confession de ma vie. J'étais tout ému à l'idée de me retrouver, après un si long temps, dans le même lieu, avec le même homme.

M. l'abbé Prévost connaissait la mort de mon père ; mais il ignorait celle de mon frère et il apporta beaucoup de compassion à l'entendre. Il voulut être instruit ensuite de ce qu'il était advenu de Tiberge.

— " Vous savez, lui dis-je, quel fut son dévouement. Les preuves éclatantes qu'il me donna toujours de son affection sont demeurées et demeureront toujours gravées dans mon cœur. Elles se sont manifestées avec tant d'éclat au moment du départ et de la mort de Manon que je n'ai pas à en refaire le récit ici. L'amitié de Tiberge est si exceptionnelle, elle est si entière et si admirable que je n'en connais pas de plus sublime au monde. Vous savez — n'est-ce pas — que nous revînmes au Havre ensemble et qu'il prit le parti de rentrer à Saint-Sulpice tandis que j'adoptai celui de venir ici. Le plan de Tiberge était que je m'arrangeasse pour le mieux avec mon frère relativement aux biens que mon père avait laissés en mou- rant. Je devais, à l'issue de ces démarches, venir le rejoin- dre à Paris. Il eût obtenu mon pardon de Saint-Sulpice ; je fusse rentré sous ses ordres dans la Compagnie et la voix du bien, de la vertu et de la piété se fût fait entendre à nouveau en moi. Mais, mon père, voilà bien mon sort ! Et vousallezjugerdemon indignité. A peine arrivai-je à Calais que l'accueil glacial que mon frère me fit me déconcerta. Il y eut même, entre nous, une querelle assez vive où il employa pour me mortifier les pires allusions. Il me fît de ma vie un tableau effrayant, me compara à l'enfant

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