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506 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Sur un dernier silence, mon père tira sa montre et l'heure lui fournit un prétexte pour se retirer. Les deux amis se serrèrent mollement la main. Ils semblaient embarrassés l'un comme l'autre et ne parlèrent point de se revoir. Il y avait heureusement là une tierce personne, dont la grosse gaîté réchauffait un peu l'atmosphère.

M. le curé, toujours jubilant, nous reconduisit.

Dans le jardin mon père lui demanda :

— N'êtes- vous point frappé de la figure de Tourneur ? Je ne l'ai jamais vu congestionné comme cela... Il m'a effrayé...

— Mais non... mais non... La joie... l'émotion... Et, tandis que nous allions à la file indienne entre les

grands tournesols aux têtes lourdes, il célébrait les voies de la Providence et l'heureux événement où il avait eu part.

— Ah ! j'en étais sûr et certain, monsieur Landry !... Cela ne pouvait pas finir autrement... N'empêche que vous m'avez rembarré de la belle façon, il y a quatre ou cinq ans, lorsque j'ai voulu me mêler de ce qui ne me regardait pas.

Mon père, qui marchait devant, goûta peu ce rappel du passé sur le mode plaisant. Il grommela, sans se retourner :

— Il suffit, monsieur le curé.

La porte atteinte, il brusqua les compliments et planta là le verbeux ecclésiastique, lequel, s'étant rabattu sur moi, se référait à l'adage grammatical : " Talis pater, qualis jî/ius" et me donnait ma part de louanges, appuyée de tapes sur la joue.

Mon père ne desserra pas les dents jusqu'à Longval. Il

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