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49 2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

m'intriguer, mais le spectacle de la pantalonnade humaine requérait bien davantage mes réflexions. Une fois de plus, je m'étonnais de voir se coudoyer et se sourire nos amis et nos ennemis, et tous ceux que notre différend avec les Davèzieux avait, l'autre été, déchaîné en paroles les uns contre les autres. Mais mon père, aussi candide que moi, ne s'en étonnait-il pas, lui, à son âge, et avec indignation ?

Il était stupéfiant, par exemple, d'apercevoir notre parente, la jolie madame Tuffier-Maze, faisant des grâces à la maîtresse de céans, en compagnie de Madame Davèzieux, parée à peu près comme pour un bal. Jalousie et potins avaient si longtemps mis les deux invitées à couteau tiré contre leur hôtesse, que leur réunion à toutes trois semblait un renversement des lois naturelles. Et quoi de plus paradoxal et de plus démoralisant que la présence de M. Davèzieux chez un homme contre lequel il n'avait jamais eu assez de brocards et qui, de son côté, l'avait bafoué, Dieu sait comment ! L'attitude de M. Davèzieux me paraissait d'ailleurs significative. Plastronnant dans son gilet de piqué, la face épanouie entre les favoris, il piaffait, pérorait, s'esclaffait, très entouré, avec des airs vainqueurs. Ne triomphait-il pas en effet ? Il savait bien qu'il ne pouvait y avoir place dans cette assemblée pour lui et pour nous. Et nous n'étions pas là !

Alors je perçus nettement que " la matinée " marquait l'ère de la réconciliation universelle, réconciliation qui s'opérait sur le dos des absents. L'affaire Landry-Davèzieux avait fait son temps. On ne demandait qu'à l'oublier et à se divertir en pleine liberté d'esprit. Dans ces dispositions qui répandaient la gaîté sur tous les visages, on irait

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