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CHARLES BLANCHARD 459

finissaient par lui céder, ils éprouvaient une sorte de découragement devant la distance qui les sé- parait de leur maison, et coûte que coûte, la mère, le panier, l'enfant, sur le bord d'un fossé.... mais ils osaient à peine se reposer parce qu'ils n'étaient pas chez eux. On ne sait pas ce qu'ils craignaient. Ils se tenaient très droits pour que le maître de la campagne n'eût dans leur tenue rien à reprendre. Au bout d'un moment, Solange prenait un peu d'assurance et donnait un coup d'œil alentour pour voir s'il ne venait personne, puis, à la hâte, à la dérobée, ayant peur d'être aperçue, elle regar- dait ce que contenait son panier. Il contenait du pain, un fromage, des poires.

Ils partaient tout aussitôt, on eût dit qu'ils fuyaient.

En dépensant un grand courage, ils finissaient par arriver chez eux. Par bonheur, la maison n'avait pas changé pendant leur absence. Ils en- traient comme on entre, ils s'asseyaient, leur chaise était leur amie, ils se reposaient. Solange sortait la première de l'engourdissement dans lequel ils étaient plongés. Elle se levait, elle se rappelait soudain que sur la table elle avait posé un panier, elle se rappelait soudain que pendant l'après-midi du jour qui s'était écoulé, elle avait fait un étrange voyage ; elle se levait pour en trouver le triste sou- venir. Tout était là, ce n'était pas un rêve. Elle posait sur la table le fromage et les poires, elle s'emparait

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