Page:NRF 1909 12.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée

45^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

La première impression que, sur cette route, éprouvait Charles Blanchard était celle d'un monde auquel il n'était pas habitué. L'espace était si grand, le ciel était si haut, la lumière était si pure qu'il ne pouvait croire que pareille chose existât. Il était intimidé, il n'eût pas osé s'avancer au- devant de ce qu'il voyait. 11 attendait que sa mère l'invitât à la suivre.

Les arbres étaient verts, la terre était blanche, des oiseaux se posaient parmi les feuilles, et comme ils chantaient, il ne doutait pas qu'ils ne fussent ceux qu'on appelle des rossignols. Que n'eût-il pas souhaité ! Il eût voulu être le rossignol. Mais l'Univers entier était trop beau pour qu'on pût l'accepter du premier coup. Il ne le connais- sait pas assez ; le monde pouvait se moquer des hommes, Charles Blanchard se méfiait de lui, et craignait qu'il ne cachât quelque piège.

Il ne tardait pas à s'apercevoir qu'il avait raison de penser ainsi. Les quatre pas à peine faits, qui le menaient sur la grand' route, il fallait se mettre à marcher. Sa mère portait un panier à son bras gauche, il prenait la droite. Elle se tenait un peu courbée lorsqu'elle montait les côtes, il comprenait qu'il faut se tenir un peu courbé lorsqu'on monte une côte. C'étaient des routes sans fin, après les montées il y avait les descentes, dans la nature seules les routes comptaient. Sa mère baissait la tête, ils étaient deux à baisser la tête. Au bout

�� �