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CHARLES BLANCHARD 449

il eût pu lui faire peur, il ouvrait bien les yeux pour qu'elle ne vînt pas sans qu'il la vît, il rassem- blait tous ses membres pour être prêt à l'accom- pagner quand elle viendrait. Chaque jour elle se faisait longtemps attendre, elle se faisait attendre jusqu'à midi. Comment était-elle faite ? Dès qu'elle frôlait la porte il se levait de sa chaise, il accourait pour être tout de suite auprès d'elle. Sa mère entrait. Il comprenait alors que la vie était faite comme sa mère.

En arrivant elle disait :

— Mon petit, il va falloir manger. Il lui obéissait, se mettant à table.

Manger n'était pas pour eux une de ces opéra- tions compliquées qui prennent certaines personnes pendant une heure et demie. Leur repas se com- posait d'un morceau de pain et d'un morceau de fromage. Il offrait pourtant certaines difficultés. Chaque jour la mère disait à l'enfant :

— Allons, essaye de manger du fromage. Ça ne te fera pas de mal : moi j'en mange bien !

Jamais il ne put arriver à manger du fromage. Parfois il faisait acte de bonne volonté : il en coupait un morceau. Mais dès qu'il l'avait dans la bouche, un sentiment d'horreur le prenait tout entier, il avait peur. Il fermait les yeux pour ne rien voir, puis soudain, alors qu'il en était encore temps, il crachait sa bouchée de fromage. Il crachait encore à plusieurs reprises tout ce qu'il pouvait

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