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448 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

singulières. Il savait qu'il existait au monde une femme qui l'aimait, il croyait qu'il en existait d'autres, que d'autres mères allaient ouvrir la porte et lui dire : Mon petit garçon, je viens te tenir compagnie. — Il les attendait avec patience et puisqu'il était tout seul, il en profitait pour se préparer à les recevoir.

A dix heures cinq, elles n'étaient pas là, à dix heures dix, il était surpris, à dix heures et quart, la vie n'était sans doute pas faite comme il l'avait cru. Il ne s'en étonnait pas, car il était tout petit. Il se tenait sur sa chaise et, non sans curio- sité, regardait comment la vie pouvait bien être faite.

Comment la vie était-elle faite ? Il ne perdait pas un coup d'œil. Il regardait dans les quatre coins, mais ils étaient trop sombres pour qu'il la pût découvrir si elle avait été là. Il levait la tête ensuite pour bien voir les solives du plafond, mais elles étaient trop basses et devaient empêcher qu'elle pût tenir dans la chambre. Il regardait le sol à ses pieds ; il le grattait un peu du bout de son sabot pour voir si elle n'allait pas apparaître. Il savait bien qu'elle n'était pas dehors, là où son père avait pris une maladie dont il avait oublié le nom et dont il ne se rappelait pas très bien si elle se tenait dans la poitrine ou dans l'estomac. La vie n'était nulle part, elle n'était pas arrivée sans doute. Il l'attendait, il restait sur sa chaise, il ne faisait pas un geste car

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