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43 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

timide. Oui, j'hésite entre le vers libre et le vers classique ; j'hésite, opposant une défiance égale à ces deux conseillers suspects : le sens propreet le sens commun, et ne pouvant les départager par le suffrage d'une élite qui semble hésiter comme moi. Si forte que soit la beauté des Stances de Moréas, le renouveau du classicisme n'a rien qui nous doive éblouir; depuis que l'Ecole de Toulouse fête la mort du Symbolisme, plus d'une source, à peine ouverte, s'est tarie ; et la fallacieuse devise :

Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques

couvre très mal un retour vers des thèmes surannés. Les vers libres, au contraire, qui nous sourient de toute leur jeunesse, sont franchement tournés vers l'avenir. Combien je leur ferais volon- tiers confiance, s'ils s'imposaient au souvenir par une allure mieux assurée ! Mais la plupart d'entre eux pour moi ne vivent qu'à la façon des ombres incertaines, puisqu'ils retombent en néant dès que le livre est refermé. Je souffre de ne pas les retenir par cœur, presque à mon insu, malgré moi, comme j'ai retenu tant d'autres vers qu'on ne m'avait pas appris à l'école. En automne, par les sentiers de la forêt, des poèmes entiers me suivent — de Hugo, de Baudelaire, de Verlaine et de Verhaeren ; me plaît-il d'évoquer un poème en vers libres, choisi parmi mes préférés, je n'en saisis que des lambeaux

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