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NOTES 551

premier chef, que révélait tel mouvement de lignes, tel grou- pement de forme, telle harmonie de gris subtils, telle délica- tesse imprévue entre deux rapports — mais que démentait trop souvent, à chaque tableau dois-je dire, la lourdeur d'un métier à l'huile, gauche et malpropre, trop riche en empâte- ments inutiles et laborieux. Jamais peut-être antagonisme plus complet ne s'est montré chez un artiste, entre l'intention et l'exécution, entre l'œil et la main. Le miracle c'est que parfois, en dépit de cette inadaptation choquante le peintre indiscipliné trouvait la réussite au bout de sa tentative hasardeuse, et atteignait à la fraîcheur la plus légère, nous renonçons à expli- quer comment. Je dis parfois, car sur un paradoxe, quelle certitude d'art peut s'établir ? Du moins, ce paradoxe aura permis au peintre de prendre conscience de ses qualités essentielles qui sont la spontanéité, la promptitude. Et quand, abandonnant un moment le métier à l'huile qui permettait trop de travail après coup, trop de reprises, M. Laprade s'avisa, pour noter ses impressions de voyage, d'employer les couleurs à l'eau, il dut éprouver ce soulagement que devant ses nouvelles œuvres nous éprouvons nous-mêmes. Il parlait enfin sa vraie langue. L'obstacle venait de la matière, simplement. Le pro- cédé instantané de l'aquarelle, qui demande non plus une application dans le temps, mais une concentration sur place convenait mieux qu'aucun à fixer au passage des émotions si délicates. Je veux bien que M. Laprade use plutôt de la gouache et que là ses habitudes d'empâtement se retrouvent, mais même la gouache nécessite légèreté, propreté et décision. En s'en servant, soudain, l'artiste perd tous ses défauts. Et c'est un enchantement presque sans mélange que cette expo- sition de la Galerie Druet ; comme il paraît plus précieux, ramassé dans de petits cadres, ce talent souvent trop au large, trop tenté de se disperser dans les grands ! Pour réussir une œuvre d'art parfaite il ne lui faut pas plus que ceci : la valeur d'un marbre sculpté et celle d'un ciel blanc unies par une sombre masse de feuillage. On ne trouverait pas plus de finesse dans Jongkind, ni dans Corot — et c'est une grâce nouvelle. Mais que sur une feuille étroite, M. Laprade, évoquant le

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