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notes 539

bien que d'une œuvre d'art la poésie se transforme en un " des- sus de porte" ou en un objet de vitrine. Quelques poèmes effectivement ont la fraîcheur d'un trumeau peint par Boucher et la sensualité d'une statuette en pâte tendre — intérêt de bibelot qui ne devait guère émouvoir le directeur de la Revue des Deux-Mondes. Des strophes entières des Bergeries sont plai- santes, bien que d'un charme un peu sec, et quelques vers décèlent de la noblesse. Mais si parfois tel passage séduit plus subtilement et semble atteindre au lyrisme, il est à craindre que ce ne soit trop souvent grâce au hasard de quelques jolis archaïsmes. Ainsi cette invocation à Y Heure :

Dieu te gard, gente Déesse Au pied lentement glissant ; O qu'heureuse est ta paresse Qui ne va point finissant. O que ta course est fuitive Que le Temps n'atirappc pas, Mais à l'homme trop hâtive Pour lui donner le trépas.

Il faut bien reconnaître que ces Amours, le seul recueil de Rémy Belleau que M. Van Bever reproduise en entier, déga- gent un implacable ennui. Que nous importent ces allégories glacées, ces interminables Amours d' Hyacinthe et de Chrysolithe, d'Iris et d'Opalle ? Si ni le Coral ni la Gagate n'ont su nous émouvoir, la Pierre d'Aymant, plus riche de signification, y parviendra-t-elle ? Hélas !

Chef d' œuvre de Nature et plus audacieux Que d'avoir ébranlé par les cercles des deux De gros Ballons ardans, et dans les eaux salées Fait faire le plongeon aux troupes écaillées.

Non, pas des "dessus de porte", mais de ces prétentieuses fresques mythologiques dont les pires élèves de Jules Romain barbouillaient vers la même époque les murs des palais italiens.

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