Page:NRF 1909 11.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

390 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Nous marchions depuis une bonne heure, et, la route conmençant à dessiner sa courbe descendante, nous atteignîmes Mauvent.

Lorsque mon oncle, nouveau marié, avait acquis cette propriété, il n'avait prévu ni les copieuses bénédictions du ciel sur son union, ni l'importance future de ses travaux. Une honnête maison cubique, une sapinière, une salle d'ombrages dominant la vallée, suffisaient à ses désirs, à ses nécessités. Plus tard, l'habitation devenue trop étroite, on y avait ajouté une aile. Mon oncle ayant eu par la suite besoin d'un laboratoire pour ses expériences, nou- veau bâtiment. Il s'était engoué d'astronomie : édification d'un observatoire. Et finalement, par faveur spéciale de Monseigneur, une chapelle s'était élevée, brochant sur le tout, et flanquée d'un pavillon pour l'aumônier.

Toutes ces constructions juxtaposées et disparates for- maient trois côtés d'un quadrilatère à l'extrémité duquel s'étendait la salle d'ombrages. Lorsqu'on pénétrait dans Mauvent, on avait absolument l'impression de déboucher sur une place de village. Au beau miHeu de cette place un spectacle singulier s'offrit à nous.

C'était l'époque où le problème, nouvellement posé, de l'automobilisme tourmentait le cerveau des ingénieurs, et où l'on construisait les premières ébauches du véhicule de l'avenir. Mon oncle, avec sa passion pour toutes les nou- veautés de cet ordre, n'avait pu faire autrement que de se lancer dans l'aventure. Et voici que nu-crâne, barbe en broussaille, lunettes sur le nez, une veine gonflée lui partageant le front, il était juché sur le siège d'un chariot aux lourdes roues ferrées qui, avec sa cheminée et son foyer rougeoyant, ressemblait au chaudron roulant des

�� �