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NOTES 327

pinceau, chez qui l'abondance de l'esprit coïncidât avec l'abondance des moyens d'expression. C'est là ce qui explique son grand succès auprès des jeunes de cette époque, qui cherchaient autre chose que les racontars de Kaulbach et les histoires de Piloty, et c'est aussi ce qui explique que le meilleur peintre de Munich se trouvât sans le sou." Et plus loin : " Issu d'une nation sans tradition vivante, il avait à rattraper à lui seul ce que son peuple avait négligé de faire : l'accord, le lien entre le présent et le passé, le contact avec les grandes traditions de l'art européen. Seul il parcourut tous les domaines de la peinture et, loin de tomber dans un éclectisme quelconque, il profita de tous les éléments que son grand intellect dé- couvrit pour faire apparaître dans une lumière toujours plus pure et toujours plus éclatante les dons individuels de sa marquante personnalité,"

Mieux renseignés sur les mérites de Marées, et souscrivant à cette apologie du critique, nous voici plus à l'aise pour apprécier les qualités du peintre et formuler ici quelques unes des réserves que nous inspira l'examen de ses toiles.

Si, quittant la section italienne — où tout n'est que niaiserie sentimentale, virtuosité, faux semblant, outrance et bluff — on entre dans l'exposition von Marées, certes une atmosphère de gravité, de noblesse, vous enveloppe aussitôt. Une émotion pré- cède et suspend notre approbation. Qu'un grand esprit se soit efforcé là vers des buts difficiles, voici qui n'est point douteux. Et M. Meier-Graefe le dit bien : " Ce n'est point la perfection de l'une ou de l'autre de ses œu\Tes qui nous transporte, mais la ligne toujours montante de son évolution, la dignité de son effort, la perception d'un idéal raisonné auquel il se sacrifie." L'effort, ici, est tellement visible, qu'il en devient pathétique. Effort acliarné, qui se concentre et se reprend sur chaque toile, mais où se trahit, il faut bien le dire, une impuissance à la Gustave Moreau...

Ce que je serais tenté, pour ma part, de dénoncer chez Marées ce sont précisément, sinon les erreurs d'esthétique, du moins les impossibilités de tempérament que M. Meier- Graefe nous donne pour inséparables du génie allemand :

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