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UNE BELLE VUE 315

ne le laissa pas s'éterniser à baiser la main de maman et à égrener les compliments d'usage. A peine se fut-on réinstallé dans le recoin abrité, compris entre la maison et le mur de soutènement de la terrasse supérieure, où l'on se tenait généralement l'après-midi, qu'il se mit à vider son sac.

Son refroidissement de la veille n'avait été d'aucune conséquence, mais il manifestait, depuis son lever, une agitation extraordinaire. Il avait sur le cœur quelque chose qu'il ne pouvait pas digérer. Il se soulagea dans l'oreille du plus complaisant des auditeurs.

— Vous ne le croiriez pas, dit-il, lorsque j'ai fait part de mon projet à Davèzieux, ce dernier n'a pas seulement daigné me répondre. Il m'a ri au nez et m'a prié de parler d'autre chose... On n'est pas plus impertinent,.,.

Aux premiers mots, maman s'était éclipsée, ce qui était, je pense, une façon d'exprimer son sentiment sur cette affaire. Quant à M. Servonnet, il donna, cela va de soi, raison à son interlocuteur ; mais il s'y prit de manière à ne formuler aucune appréciation touchant le procédé de M. Davèzieux. Il poussait de-ci de-là des exclama- tions : " Ah bah !... Vraiment !... Pas possible !... " en tapotant sa tabatière ; puis, prenant la tangente, il rappela une histoire du même genre qui s'était passée en 52.

Son adresse à ne point se compromettre avait dû le servir dans sa carrière, encore que des potins inconsidérés lui en fissent souvent perdre le bénéfice. Mais aujourd'hui elle n'était pas de mise. Aussi mon père, qui éprouvait des démangeaisons d'impatience, rembarra-t-ii avec viva- cité le trop prudent vieillard, lorsque celui-ci, papillonnant d'un sujet à un autre, lui demanda des nouvelles de " notre bon Chaberton ".

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