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UNE BELLE VUE 285

tonniers, de son baromètre et des menus objets familiers qui parmi l'étroite pièce obscure étaient rangés avec un ordre méticuleux.

— Dépêchez-vous, nous dit-il, et ne quittez plus vos chambres. Gare aux courants d'air !

Nous le précédâmes. Le vestibule offrait un spectacle qui évoquait l'idée de ces déménagements dont nous n'étions, hélas ! que trop coutumiers. Les meubles du salon et de la salle à manger, entassés pêle-mêle, for- maient un indescriptible chaos. A droite, à gauche, les portes étaient ouvertes à larges battants. A travers les pièces vidées circulaient des jupes actives. Le brouillard pénétrait par toutes les fenêtres et s'amalgamait avec la poussière. On gelait.

Tout en endossant sa pelisse, mon père récriminait, de manière à être entendu de quelqu'un que l'on ne voyait pas.

— Quelle folie !... C'est intolérable I... On est à la rue. .. Il y a de quoi attraper la mort. . . Je déserte la place...

Il nous cria, avant de partir :

— Sauvez-vous donc !

Marguerite lui fit écho, et me poussant devant elle avec autorité :

— Veux-tu te sauver !

Je m'étonnais toujours que mon père ne se lassât point de manifester de la mauvaise humeur au même sujet. Depuis le temps qu'il était le mari de la plus accomplie des ménagères, il aurait dû s'accoutumer aux inconvénients de la situation. Chaque matin, fors le dimanche, n'était-ce pas du plus au moins pareille

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