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LES " CAHIERS " DE CHARLES PEGUY 265

Il a cru que, si la masse retournait vite à ses passions, à ses plaisirs, à son sommeil, une élite, un ferment du moins subsisterait. Témoin attristé d'un nouveau Directoire, il nous doit depuis longtemps un essai sur la Décomposition du Drey- fusisme^ que la Révolution dreyfusienne de Georges Sorel prépare, mais ne remplace pas.

Désillusion sur le socialisme, ensuite : Péguy croit au Peuple de tout son cœur, comme Proudhon et Michelet. Il a cru longtemps en Jaurès. Or il voit les manœuvres parlementaires, les marchan- dages et les mensonges de l'Unité, le jeu cynique ou voilé des ambitions personnelles, le parlemen- tarisme installé non pas seulement à la Chambre, dans le Groupe Parlementaire, mais dans le Parti même, dans son Comité, dans ses Congrès géné- raux, dans chacun des groupes locaux, d'élection ou de propagande, où la volonté populaire est ainsi captée dès sa source, et savamment déviée. Et sans doute, le socialisme parlementaire n'est pas à lui seul tout le socialisme. Il y a aussi le syndicalisme. Mais dans le syndicalisme, il y a le sabotage ; et le parlementarisme encore, d'autant plus insidieux et plus nocif qu'il reste plus inavoué. En bon pro- phète, Georges Sorel a deviné dès la première heure l'avenir prochain des syndicats. Il a prévu leur puissance ; mais ne s'est-il pas trompé, ne se trompe-t-il pas à plaisir sur la qualité de leur action } Hostile au réformisme seul, il ne veut

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