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256 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

jusqu'au fond du ciel. — Le grand corps inanimé s'étend devant moi dans le linceul du jour qui recommence.

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��Le sang de la réalité ne bat plus aux artères du monde. Mais il ne s'est pas écoulé vainement. Un plus secret royaume l'a bu et s'en est animé. Dans le grand tour- noiement silencieux des rêves, dans le sombre et magique remous où les choses deviennent comme des êtres qui se tendent les bras, se saisissent, se nouent et se confondent, je retrouve la vertigineuse réalité des premiers âges. Voici les marches, le détour, et sous la voûte s'ouvre la bouche de l'immensité. Des échos éclatent sourdement, prolon- geant à l'infini l'habitation souterraine. Le peuple profond m'envoie sa parole innombrable. Déjà mon attitude n'a plus cette aisance machinale, cette ennuyeuse sécurité. Un instant je me crispe, immobile, sur la margelle de l'obscur mouvement. J'épie, comme l'ancêtre, les appels et les menaces. Mais ainsi qu'on jette une corde, un chemin s'empare de mes pas. L'âpre délice de chaque rencontre me baigne d'une irrémédiable conviction. Je ne porterai pas la main à mon front sans que naisse au ciel une étoile, je ne sentirai pas bouger en moi le désir de boire sans que s'ouvre secrètement en la forêt une avenue vers la fontaine ; et tandis que je me penche sur l'eau, la pluie de l'ombre sur mes épaules persuade déli- cieusement tout mon corps de sa réalité. A cet arbre étincelant je cueille une grenade d'or ; aucune doute ne prévaudra contre la certitude parfaite de sa saveur.

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