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252 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une région sans être vu de qui je ne vois pas ; je glisse pendant des lieues sous le couvert d'une haie et je surmonte d'un bond la terreur d'espaces vides. Mais m'arrête le guet universel de figures sans nom accroupies symétriquement autour de moi : dangers dont le souffle halète entre mes épaules ; poursuiveurs indéfinissables qui ne se fatiguent pas ; silences comme matériels et qui sont des intentions ; doigt sur la bouche des trop beaux visages qui pétrifient. Attentes, pesant désir de la présence d'on ne sait qui, approches épiées, figure entre les branches que je crois reconnaître, mais ce n'est pas lui ; et soudain cette main qui se pose sur mon épaule si doucement que je tressaille et n'ose plus me retourner. Ah ! que de- voyageurs je rencontre dont une affreuse particularité a fait des mon- stres ; mon cœur ne peut supporter que je les voie ; et je les sens auprès de moi qui mangent, assis devant l'hôtel- lerie, graves comme des goules, et si définitivement tristes que cela seul est une terreur.

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��La voix du rêve sourdement souffle au sein même de mon cerveau et sous le palais du crâne. J'entends un râle qui est la sonorité de tout le paysage et le fait frémir sur lui-même ; râle qui se prolonge, puis soudain d'un soubresaut se délivre... et reprend plus bas. Le lointain, fiévreux, innombrable bourdonnement pénètre à travers toute épaisseur jusqu'en la substance de mon corps ; ainsi que la rumeur filtrée d'une assemblée myriadaire qui discute et s'emporte, il surgit par instants en vagues plus violentes, coupées de décroissances pacifiées : le concile

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