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la nouvelle revue française

scintillement de pierres précieuses qui trouve moyen, en n'unissant que des tons purs et forts, d'évoquer l'atmosphère la plus voluptueuse.

LES PASTORALES par Mme  Marie Dauguet.

“Par la vigne enlacée à l'entour de l'ormeau”.
Ronsard.

C'est la Muse élégiaque et chrétienne d'une Marceline Desbordes-Valmore qui, jusqu'à ces dernières années, gouvernait les transports des poétesses, et même aux yeux de celles-là qui n'avaient pas le cœur tourné vers les sentiments sublimes, il allait de soi que les vers ne pouvaient être que le langage de la vertu. Mais, depuis peu, une révolution s'est produite dans l'esprit des femmes inspirées. Elles se sont souvenues de la grande Sapho et de cette autre, lyonnaise, Louise Labbé, et elles ont retrouvé l'audace d'un langage, nous ne dirons pas impudique, mais où la pudeur n'est plus la suprême loi. Elles ne voient pas pourquoi il leur serait interdit d'exprimer ce qu'on leur reconnaît le droit de sentir, et si, dans la création artistique, elles ont tenu jusqu'ici un rôle effacé, elles en accusent précisément ce fait qu'on a réduit leur vie avouable aux seuls sentiments de contrainte et de dévouement. Or c'est la plus rebelle matière, celle qui nécessite, pour devenir littéraire, le plus de sang froid et de virile maîtrise. Si l'on pouvait la dominer par les seuls dons de l'émotion et de l'écriture, pourquoi n'aurions nous qu'une seule Princesse de Clèves ?

Dès que les femmes osent parler de leurs sensations et de tout ce qu'il y a de voluptueux dans la nature, elles trouvent des accents neufs et aussi forts que ceux des hommes. Mais, à la longue, la littérature en profitera-t-elle beaucoup? C'est à l'avenir d'en décider. Il ne serait pas permis de soulever un tel doute, si à elle seule la volupté constituait un genre littéraire. Mais ce n'est qu'un beau pampre flexible qui réclame, pour s'y enrouler, le branchage d'un ormeau. Reste à savoir si les